Extraits de : « Dans la brûlure des jours »

 

 

nous avions dis-tu peuplé des châteaux de sables d’herbes et de vents habité des soleils mordu aux raisins de toute nuit et cru sous un ciel d’étain être passeurs d’éternité ! Mais la main a passé sous les ciels et la pluie sur nos visages défait notre certitude nos têtes recourbées sur le sol maudissent nos mains sans étoiles Nous sommes si proches du néant !

 

 
 

 

 

Par delà nos mains qui se frôlent,
nos lèvres qui tètent ensemble
une rosée d’infini
comme un long sommeil

un songe que nous tissons dans la froidure
par delà les mers, nos yeux qui cherchent un océan
et nos chemins qui irradient
tant ils meurent de soleil et de cendres

nos sexes s’abîment dans l’abîme des chairs
soleils enfantés de ces printemps qui vont

mourir comme la dernière vague *d’un reflux du désir

et le sable, cette pluie passagère sur le sol
terre muette où disparaissent nos pieds d’enfants
par delà l’entendue infinie de ce songe
chairs amantes jusqu’aux dernières lueurs du sommeil
comme diadème qui ornerait ton sein noir
une blessure où perce la lumière

chair mourante qui rêve d’un drappé de ciel blanc
quand le décompte des jours
sur le sel de nos lèvres épelle
le vol de l’oiseau libellule

par delà les cordillères son vol caresse les flancs de l’hommes blessé et

saigne son ciel de tout le bleu
de notre temps
passant

 

 

Tu cherches la source et le bleu
au-delà des glaciers éternels
tu dis l’origine et la mort
tu dis l’origine est une source vive

et tu voudrais boire à la croisée des chemins

qui t’ont mené en ce lieu
du temps et de l’espace
S’ouvre en toi parfois un ciel
brûlant toute limite
mais tu es mort, mille fois,
hier en chaque instant
en chaque crispation de ton corps sur la terre

ou sur ce corps d’un autre gisant de l’été
C’est ton regard pourtant
qui croît
derrière ces montagnes enneigées
et ce blanc silencieux ton silence
qui rayonne
dans l’arc d’un feu intense
et brûle
au versant de tous monts
de toute mort
 
nulle source,
nul brasier ne couvrira ton enfance
de cendres
en tous points elle croît

 
 

Comme des mains froides
sur ton corps
neige et douleur

l’hiver nous retient murmurés
dans la fugue du temps
le temps sous scelle
neige et feu
l’été nous épelle, ultime danse de lumières

terrestres
ton sein d’ombre et main déchirée
qu’éclaire un fragment de lune
tu viens mourir
amante nue
dans la froidure de nos silences

renaître
en nos feux partagés

Une écriture de cendres
s’épanche sur le futur vieillissant.

 

Tu marches vers celle qui t'enterre
et dépose un baiser sur ton silence
vers celle qui
retient la lumière
de tes yeux la mémoire
de tes terres retient la mort

contre ton sein blanc
ses mains pleines d’étoiles de tes soleils mourants
et du bleu de tes ciels passés sur d’autres rivages
que les siens
retiennent ta folie
comme un éclair sur les étés du futur
puis lampe basse elle souffle la parole
enclose dans ton cri fragile
pour accueillir la longue nuit
de ta mémoire

tu marches vers celle qui n’existe pas
mais dont la lumière s’est faite flamme

au délié
de tes paroles
obscurs tracés sur ce chemin
où des oiseaux solitaires inscrivent
sur tes lèvres

 

 
  Friables tes mains sur mon ombre
et ton ombre dans mes yeux
de sable

peu à peu tu réapprends le geste lent
du fossoyeur
et je me fais silences
lentement, contre ma bouche, je te murmure
et tu te fais muette

nos châteaux d’enfance n’abritent que l’éclair
des orages passés
Qui es-tu
dans l’infini de nos visages
qui es-tu
lorsque nos chants s’éloignent ?
voleur de soleils que j’ai portés en toi,

je m’immobilise
au versant de mon ombre,
l’impossible lueur

 


Quelle main prolonge l’infini
des terres derrière la toile
l’irrésolu du monde
affleure et veille
torrentiel, silencieux tel un cri

qui porte le geste créateur du peintre
au-delà de la toile
tel l’éclair
en son écrin de nuit

et du grenier muet de notre enfance
jusqu’aux hanches musicales du ciel
ce qui n’est pas dit ce qui n’est pas écrit
effleure le terrestre

nos mots seront des mains, nos paroles
seront peintres
dans le regard qui vient au monde
l’infini déjà,

Comme une étoile
qui gît dans le froid de la pierre

 

 
 

Parfois nos paroles diront
fiévreuses
l’envolée

des grands oiseaux qui déchirent
les ciels de granite
notre pesanteur

nos paroles traversent
le miroir des songes
elle disent la transhumance
de l’humain
et nos silences se font peintures,
arpèges sur la nuit murmurante


Le poète a transfiguré l’oiseau,
y a gravé des aubes, des nuits
sculpté la course des saisons
aux mains pleines d’argile
une émotion s’y est couchée
et palpite le ciel

quels regards ont créé le réel
quand aujourd’hui un soleil dans le vide
brûle
quels dieux plus morts que notre foi
ont dessiné le monde et couvé la parole
dans la pierre muette

Quel poème (invisible caresse)
glisse des mains de l’enfant mourant et sème la parole
du vieillard
 

Extraits de « Chemins naissants »

 

 

Moi, l’aliéné le fou

qui n’ai pas su aimer l’amour
comme j’aime la pierre muette
sous l’eau vive La terre sous le gel
des saisons
 Moi l’illusoire infini
L’ombre sans le soleil
la clarté vaine, aveuglante
sans même le vestige d’un bleu
que ton ciel printamnier
a fait naître

Ce ciel en moi tout ce ciel vide

aujourd’hui cette demesure
privée de l’éclair de ton rire
du froissement de nos corps d’hier


et moi le froid le très froid

en moi sans toi,
mes mains gelées qui cherchent le fruit
et l’or sous la pierre
sous l’eau vive, ton visage tes lèvres
moi la terre qui pénètre la terre, qui entre
dans l’antre de mes jours
moi
sans
toi